Avion en retard : quels sont vos droits et ce qui va bientôt changer

Les passagers d’avion s’apprêtent à voir leurs droits bousculés. Les règles d’indemnisation, jusqu’ici bien établies, vont bientôt changer. Mais derrière ce changement annoncé, que cache vraiment cette réforme européenne ?

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By Rédacteur Published on 14 juin 2025 17h01
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Avion en retard : quels sont vos droits et ce qui va bientôt changer - © Economie Matin
500Les vols dépassant 3 500 kilomètres ne seront indemnisés qu’à partir de six heures de retard, pour un montant plafonné à 500 euros.

Le jeudi 5 juin 2025, les 27 pays de l’Union européenne se sont enfin accordés sur la refonte des conditions d’indemnisation en cas de retard de vol d'avion. Un virage attendu – ou redouté – qui intervient après plus de dix ans d’impasses politiques. Dans un secteur aérien fragilisé, l’objectif affiché : concilier protection des passagers et survie économique des compagnies. Mais que prévoit concrètement ce nouveau cadre pour les voyageurs prenant l’avion ?

Des règles d’indemnisation de l’avion jusque-là protectrices pour les passagers

Depuis 2004, le règlement européen CE 261 encadrait l’indemnisation des passagers en cas de retard ou d’annulation d’un vol. Dès trois heures de retard à l’arrivée, une compensation était possible, allant de 250 à 600 euros selon la distance du trajet. Et ce, indépendamment du prix du billet d'avion.

Cette réglementation, consolidée par des arrêts successifs de la Cour de justice de l’Union européenne, avait permis l’émergence d’un écosystème dédié à la défense des usagers. Agences de recouvrement, cabinets spécialisés, juristes : tous s’étaient engouffrés dans le maquis juridique pour contraindre les compagnies récalcitrantes. « Le système actuel coûte entre 2 % et 4 % du chiffre d’affaires des compagnies », a rappelé le commissaire européen aux transports, Apostolos Tzitzikostas, selon Le Monde.

Mais ce modèle est désormais jugé trop onéreux, voire excessif, par les États membres.

Avion en retard : une réforme qui rabote les compensations

Le nouveau dispositif, validé par les ministres des transports des 27 États membres le 5 juin à Luxembourg, change radicalement la donne. Désormais, il faudra plus de quatre heures de retard pour prétendre à une indemnisation de 300 euros sur les vols intra-européens. Les vols dépassant 3 500 kilomètres ne seront indemnisés qu’à partir de six heures de retard, pour un montant plafonné à 500 euros.

Ce seuil représente un relèvement notable des critères, que certains États ont dénoncé comme une régression des droits. « Ces nouvelles conditions signifient une moindre protection des consommateurs », a déploré Patrick Schnieder, ministre des Transports allemand, toujours dans Le Monde. Même son de cloche du côté des associations et agences spécialisées, dont le modèle économique est directement menacé. « C’est un démantèlement ciblé et massif des droits des passagers », alerte Jan-Frederik Arnold, PDG de Flightright.

Quels impacts pour le portefeuille des voyageurs ?

Le premier effet sera arithmétique : selon les estimations de l’industrie, jusqu’à 60 % des cas actuellement indemnisables disparaîtront. Pour les passagers, cela signifie moins d’argent récupérable et des démarches moins rentables. Dans les faits, nombre de retards actuels – notamment ceux compris entre trois et quatre heures – ne donneront plus lieu à aucune compensation.

Par ailleurs, les nouvelles règles distinguent les vols intra-européens, les liaisons vers l’Outre-mer et les longs courriers au-delà de 3 500 kilomètres. Si les trajets vers les territoires d’Outre-mer sont assimilés à des vols européens, les vols à destination hors Europe verront leurs indemnisations conditionnées à la distance et au lieu de départ.

En contrepartie, les passagers bénéficieront de nouveaux droits. Le texte officialise « 31 nouveaux droits », selon le ministre français des Transports, Philippe Tabarot : gratuité des petits bagages cabine, possibilité de corriger un nom sur un billet, interdiction d’annuler un retour si l’aller n’a pas été effectué. Des ajouts louables, mais qui peinent à contrebalancer la perte financière directe.

Des tensions politiques à peine dissimulées

Le consensus arraché de justesse n’a pas fait l’unanimité. L’Allemagne a longtemps milité pour conserver le seuil de trois heures, sans succès. L’Espagne, elle, a négocié un point symbolique concernant la souveraineté sur l’aéroport de Gibraltar – sans rapport avec le texte, mais intégré in extremis.

C’est finalement la France qui a conduit la coalition des États favorables à la réforme, rejointe par la Belgique. Cette dernière s’est réjouie de voir figurer une obligation d’information automatique des passagers par les compagnies aériennes. Une mesure qui pourrait entraîner une explosion des demandes, selon un diplomate européen cité par Le Monde : « Si l’on automatise, 100 % des passagers demanderont une indemnité en cas de retard, contre 30 % aujourd’hui ».

Un texte encore suspendu à l’aval du Parlement européen

Rien n’est encore gravé dans le marbre. Le projet doit désormais passer par les fourches caudines du Parlement européen, où les associations de consommateurs et les défenseurs des passagers comptent bien se faire entendre. En coulisses, les compagnies aériennes, soulagées, s’organisent déjà pour défendre le compromis. Selon elles, ce cadre permettra de limiter les annulations de vols d'avion tardifs : plutôt que de dédommager un vol très en retard, elles pourraient désormais tenter de le maintenir, sans subir de double peine financière.

Derrière cette réforme, c’est une vision du transport aérien qui se redessine. Moins protectrice pour les passagers peut-être, mais pensée pour assurer la viabilité d’un secteur encore convalescent après les crises successives.

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