Assurance-vie : la liberté de changer de bénéficiaire renforcée par la justice

Quand un souscripteur d’assurance-vie modifie la désignation de son bénéficiaire, jusqu’ici, il devait impérativement en informer son assureur pour que ce changement soit pris en compte. Une exigence qui vient de tomber, bouleversant un pan entier de la réglementation et libérant la volonté du titulaire du contrat.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 28 mai 2025 7h00
Pourquoi l’assurance vie est-elle un produit défiscalisant ?
Pourquoi l’assurance vie est-elle un produit défiscalisant ? - © Economie Matin
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La Cour de cassation, dans un arrêt majeur du 3 avril 2025 (Cass. 2e civ., n° 23-13.803), a tranché avec force sur la validité du changement de bénéficiaire en assurance-vie. Jusqu’alors, la jurisprudence imposait que tout changement de clause bénéficiaire devait être porté à la connaissance de l’assureur pour être valide. Cette formalité, lourde de conséquences, pouvait neutraliser la volonté du souscripteur si l’information ne parvenait pas à temps.

Le changement de bénéficiaire d’une assurance-vie va être largement plus facile

Désormais, il est clair : seule la volonté certaine et non équivoque du souscripteur compte. La Cour affirme que « la connaissance par l’assureur de la substitution de bénéficiaire n’est plus une condition de validité de cette substitution » selon la Tribune de l’Assurance. Cette nouvelle règle dérive directement de l’article L. 132-8 du Code des assurances qui « ne mentionne pas la nécessité de tenir informé la compagnie d’assurances », relayent Les Échos.

Cette évolution redéfinit radicalement la notion de bénéficiaire, car elle met la liberté du titulaire du contrat au centre de la relation juridique. Dès lors, le bénéficiaire mentionné dans la clause n’est plus figé par des contraintes de formes, mais peut être modifié à la guise du souscripteur, sans que l’assureur puisse opposer un quelconque refus lié au défaut d’information.

Ce que ce changement signifie pour les détenteurs d’assurance-vie

Concrètement, pour les détenteurs d’une assurance-vie, cette décision ouvre un champ de liberté sans précédent dans la gestion de leur clause bénéficiaire. Ils peuvent désormais modifier leur bénéficiaire autant de fois qu’ils le souhaitent, par acte unilatéral, sans avoir à s’assurer que l’assureur a pris connaissance de la modification.

Cependant, cette liberté nouvelle n’est pas sans risques. En effet, la Cour distingue la validité du changement de son opposabilité à l’assureur. L’article L. 132-25 du Code des assurances précise que la connaissance par l’assureur n’est plus une condition de validité, mais seulement d’opposabilité. Ainsi, si l’assureur ignore la modification au moment du décès, il peut verser les capitaux au bénéficiaire initial, ce paiement étant libératoire s’il a agi de bonne foi explique Actu Juridique.

Pour éviter les contentieux, il est donc conseillé, bien que non obligatoire, de notifier toute modification au gestionnaire du contrat. Ne pas le faire expose à un risque de versement erroné et de procédure de remboursement longue et coûteuse. La vigilance est donc de mise pour assurer que la clause bénéficiaire reflète effectivement la dernière volonté du souscripteur.

Que doivent faire les souscripteurs pour sécuriser leur clause bénéficiaire ?

Le souscripteur doit garder à l’esprit que le changement de bénéficiaire reste un acte unilatéral et personnel, exprimé par un acte clair, sans ambiguïté, selon la Cour de cassation. Que ce soit par avenant, courrier, ou tout autre support attestant cette volonté, le changement est valable.

La Cour de cassation rappelle que « dès lors le souscripteur a exprimé clairement sa volonté de modifier la clause bénéficiaire, cet acte doit être pris en compte, même si l’assureur n’a pas été informé à temps ». Cependant, pour sécuriser la clause et éviter tout litige lors du versement, la meilleure pratique reste de communiquer explicitement avec l’assureur, idéalement par courrier recommandé avec accusé de réception. Cela crée une preuve incontestable et assure l’opposabilité de la modification.

Enfin, il est crucial de relire régulièrement la clause bénéficiaire et de penser à désigner un bénéficiaire de remplacement (« à défaut »), en particulier pour prendre en compte les évolutions familiales ou personnelles.

Une jurisprudence lourde de conséquences pour l’assurance et la banque

Cette décision de la cour de cassation modifie profondément le cadre réglementaire autour de l’assurance-vie, notamment en ce qui concerne la relation entre assureur, souscripteur et bénéficiaire. Elle aligne la pratique sur une logique juridique qui valorise la volonté du titulaire au détriment des exigences formelles, parfois contraignantes, des assureurs.

Pour les banques et compagnies d’assurance, c’est un changement considérable. Elles ne pourront plus refuser la prise en compte d’une modification de bénéficiaire sous prétexte que l’information ne leur a pas été communiquée avant le décès. Elles doivent désormais se conformer à la dernière volonté exprimée clairement par le souscripteur, quitte à engager un contrôle plus rigoureux de la preuve de cette volonté en cas de contestation.

Un cas emblématique, exposé dans l’arrêt du 3 avril 2025, impliquait un souscripteur ayant modifié plusieurs fois sa clause bénéficiaire sans que l’assureur ait pris connaissance des derniers avenants. Malgré le versement initial à un bénéficiaire désigné antérieurement, la Cour de cassation a reconnu la validité des dernières modifications, confortant la liberté du souscripteur et contraignant l’assureur à respecter ces changements, explique Actu Juridique. Ce cas montre que l’assurance-vie est désormais un contrat vivant, modelé au gré des volontés du titulaire, et que la rigidité administrative ne doit plus être un obstacle à cette souplesse.

La décision récente de la Cour de cassation marque un changement radical dans le droit de l’assurance-vie. Le bénéficiaire d’un contrat peut désormais être modifié librement et unilatéralement, sans que l’assureur ait besoin d’être informé préalablement, à condition que la volonté soit claire et certaine. Si cette avancée renforce le pouvoir du souscripteur, elle impose également une vigilance supplémentaire pour éviter tout litige, notamment en maintenant une bonne communication avec l’assureur.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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