Le métier d’infirmier, jadis symbole de vocation, se trouve aujourd’hui dans une situation complexe. Derrière la blouse, la réalité du terrain interroge sur la capacité du système à maintenir une offre de soin adaptée aux attentes des professionnels et des Français.
Crise des infirmiers : 80% d’entre eux ne sont pas satisfaits de leur rémunération
Le 30 mars 2023, l’Ifop a publié une étude commandée par Charlotte K, intitulée « Le vécu des infirmiers au travail et leurs attentes sur le devenir de leur métier ». Cette enquête, réalisée auprès de 4183 infirmiers, intervient dans un contexte de forte tension dans le secteur de la santé, alors que le gouvernement français engage depuis 2024 un vaste chantier de refondation du métier d'infirmier. L'étude Ifop offre une photographie précise d’une profession en quête de sens et de meilleures conditions d’exercice.
Une étude dévoile un malaise croissant chez les infirmiers
L’étude Ifop révèle que seulement 36 % des infirmiers interrogés se déclarent satisfaits de leur situation professionnelle, un chiffre bien inférieur aux 74 % observés parmi l’ensemble des salariés français. Parmi eux, seuls 3 % se disent très satisfaits.
Cette insatisfaction traverse l’ensemble de la profession, quels que soient l’âge, le genre ou le mode d’exercice. Les hommes affichent une satisfaction légèrement supérieure à celle des femmes (39 % contre 36 %). L’expérience ne semble pas constituer un rempart : les infirmiers ayant plus de 10 ans d’ancienneté témoignent d’un degré de satisfaction comparable à leurs collègues plus jeunes.
La dégradation ressentie se confirme dans les détails : si 77 % se sentent utiles et 76 % saluent la reconnaissance de leurs patients, seulement 41 % estiment équilibrer vie professionnelle et vie privée, et à peine 22 % se disent satisfaits de leur rémunération.
Des motivations fortes mais un quotidien éprouvant
Malgré des difficultés croissantes, la relation aux patients reste le moteur principal pour 61 % des infirmiers. Le caractère humain du métier et la diversité des soins réalisés figurent également parmi les éléments les plus valorisés.
Pourtant, la surcharge de travail est dénoncée par 58 % des répondants, la déshumanisation du soin par 47 %, et l’altération de la santé psychologique par 46 %. Ces chiffres traduisent une pression constante, accentuée par des rythmes décalés et des conditions matérielles parfois dégradées.
L'état d'esprit au travail est également préoccupant : 71 % des infirmiers rapportent plus d'éléments négatifs que positifs dans leur quotidien professionnel.
Des envies de reconversion qui interrogent sur l'avenir du soin
Selon l’enquête, 57 % des infirmiers envisagent une évolution professionnelle vers un autre métier. Parmi eux, près d’un tiers souhaite se tourner vers l’entrepreneuriat ou le freelancing.
Les principales barrières à la reconversion évoquées sont d’ordre financier ou organisationnel : difficulté à financer une formation, crainte des impacts sur la vie personnelle ou encore peur de repartir de zéro. Le manque de reconnaissance et l’insuffisance de perspectives d'évolution viennent renforcer ce sentiment d'impasse.
Pour 60 % des infirmiers interrogés, s'ils avaient l’opportunité de revenir en arrière, ils ne choisiraient pas à nouveau ce métier. Ce chiffre illustre l’ampleur du désenchantement.
La menace croissante des déserts médicaux
Le vieillissement de la population française et la hausse attendue de 50 % des besoins en soins infirmiers d’ici 2050 rendent la situation d’autant plus préoccupante.
Le risque est clair : la fuite progressive des infirmiers pourrait accentuer les déserts médicaux, aggravant ainsi les inégalités d'accès aux soins. Les zones rurales, mais aussi certaines périphéries urbaines, sont particulièrement exposées à ce phénomène.
Face à ces défis, le gouvernement a engagé depuis 2024 une refonte du métier d'infirmier, visant à élargir les compétences, améliorer la formation et renforcer l’attractivité du métier. Reste à savoir si ces mesures seront suffisantes pour enrayer l’érosion actuelle.