Discriminations dans la santé : qui sont les plus touchés ?

Entre le droit à être soigné et la réalité du terrain, des écarts notables persistent, parfois invisibles, parfois flagrants. La discrimination est présente dans le système de santé.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 7 mai 2025 9h18
discriminations-la-sante-qui-sont-plus-touches
discriminations-la-sante-qui-sont-plus-touches - © Economie Matin
224En 2022, 224 plaintes ont été déposées auprès des ordres professionnels ou de l’Assurance maladie pour des faits de discrimination dans les soins.

Le 6 mai 2025, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a publié un rapport pointant une série de discriminations dans l’accès aux soins en France. Appuyé sur plus de 1 500 témoignages, ce document met en lumière des obstacles persistants, touchant notamment les femmes, les personnes en situation de handicap, ou encore les patients d’origine étrangère. En s’appuyant sur des cas concrets, le rapport interroge les pratiques médicales et le fonctionnement global du système de santé.

Un soin inégal selon l’identité du patient, selon le rapport

Dans de nombreux établissements de santé, des patients se heurtent à des refus de prise en charge ou à une minimisation de leurs symptômes. Les femmes jeunes, d’origine étrangère ou perçues comme telles, figurent parmi les personnes les plus concernées. Dans certains services d’urgence, leur douleur est parfois interprétée comme liée à une anxiété passagère ou à une souffrance psychologique, plutôt que prise au sérieux. Le rapport évoque une “sous-évaluation de la douleur et de la gravité des symptômes exprimés”, un phénomène qui peut avoir des conséquences cliniques.

Le document évoque également le “syndrome méditerranéen”, un biais raciste dénoncé depuis plusieurs années. Il consiste à croire que les patients d’origine nord-africaine ou subsaharienne exagéreraient leurs douleurs. Cette perception erronée, bien que dénuée de fondement médical, peut aboutir à un refus de soins, ou à un retard de diagnostic. D’autres populations sont également affectées par des formes de discrimination, notamment les personnes sans domicile fixe ou les usagers de drogues, qui rencontrent des obstacles pour accéder aux soins de base.

Des difficultés spécifiques pour les personnes handicapées

Les personnes en situation de handicap peuvent se voir refuser des rendez-vous médicaux pour des raisons d’organisation, d’accessibilité des locaux, ou encore de matériel inadapté. Le manque de formation du personnel de santé à l’accueil de ces patients est également relevé. Dans certains cas, les professionnels invoquent un manque de temps ou de moyens pour expliquer leur incapacité à proposer une prise en charge adaptée.

Le rapport met aussi en lumière des atteintes au droit à l’information et au consentement éclairé. Il est fait état d’actes médicaux réalisés sans que les patients aient été correctement informés, voire sans leur accord explicite. Cela concerne notamment des examens gynécologiques ou certains actes pratiqués sur des patients présentant un handicap psychique, comme des injections ou des mesures d’isolement non justifiées.

Entre désert médical et précarité : un accès aux soins fragmenté et discriminant

Au-delà des discriminations individuelles, le rapport souligne des dysfonctionnements plus larges dans l’organisation du système de santé. Le manque de médecins, particulièrement dans les zones rurales ou défavorisées, limite l’accès aux soins pour de nombreuses personnes. La pénurie de personnel, conjuguée à une répartition inégale des professionnels de santé, accentue les difficultés pour obtenir un rendez-vous dans des délais raisonnables.

Les bénéficiaires de l’Aide médicale de l’État (AME) ou de la Couverture maladie universelle (CMU) font également partie des publics les plus vulnérables. Selon le rapport, ces dispositifs, bien qu’existants, ne garantissent pas toujours un accès effectif aux soins. Des refus de rendez-vous ou des comportements discriminants ont été signalés par plusieurs patients concernés.

Appels à une réponse systémique et à une politique de santé inclusive

Face à ces constats, la Défenseure des droits recommande l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention des discriminations dans le domaine de la santé. Elle propose de renforcer la formation des soignants, d’améliorer l’accessibilité des structures, et de mieux traiter les signalements. L’institution insiste sur la nécessité de mieux garantir l’égalité dans l’application du droit au soin, quelles que soient les origines, les situations sociales ou les conditions physiques des patients.

Lors d’une séance à l’Assemblée nationale le 26 mars 2025, ces enjeux ont été abordés. Le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, Yannick Neuder, a reconnu l’importance du sujet. Il a mentionné la mise en œuvre prochaine de mesures en lien avec les recommandations de la Défenseure, notamment pour améliorer la prise en charge dans les zones sous-dotées et pour rendre les lieux de soin plus accessibles.

Des chiffres modestes pour une réalité plus large

En 2022, 224 plaintes ont été déposées auprès des ordres professionnels ou de l’Assurance maladie pour des faits de discrimination dans les soins. À cela s’ajoutent 31 réclamations adressées à la Défenseure des droits. Ces données, jugées très faibles par rapport à l’ampleur du phénomène, ne reflètent pas nécessairement la réalité vécue. Le manque d’informations sur les recours, la complexité des démarches ou la crainte de représailles contribuent à cette sous-déclaration.

Pour de nombreuses personnes, la répétition des obstacles entraîne à terme un renoncement aux soins. Ce constat, mis en avant par le rapport, invite à réfléchir à une refonte de la politique de santé, plus attentive aux besoins des publics fragilisés.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

No comment on «Discriminations dans la santé : qui sont les plus touchés ?»

Leave a comment

* Required fields