L’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi introduisant une autorisation d’absence pour don de sang pendant les heures de travail. Ce dispositif, destiné aux salariés et aux agents publics, vise à enrayer la baisse chronique des dons tout en valorisant un acte citoyen essentiel.
Don de sang : bientôt une autorisation d’absence sans perte de salaire

Le don de sang sur le temps de travail : un nouveau droit sous conditions
C’est une première en France : le texte porté par Pierre Cordier, député Les Républicains des Ardennes, introduit un droit à l’absence pour effectuer un don de sang, de plaquettes ou de plasma, sans retenue sur salaire. Derrière ce geste anodin en apparence, un levier stratégique pour répondre à l’urgence transfusionnelle.
La mesure ne s’applique pas sans garde-fous. Elle limite à huit le nombre d’autorisations d’absence par an, impose une notification à l’employeur trois jours ouvrés à l’avance et oblige le salarié à se rendre dans le centre de collecte le plus proche du domicile ou du lieu de travail. L’employeur conserve par ailleurs le droit de refuser l’absence en cas de désorganisation manifeste du service ou de l’activité.
Le député Cordier l’assume : « Il faut lever les freins. Aujourd’hui, pour donner son sang, il faut s’absenter. C’est un acte citoyen, il doit être reconnu comme tel ». Le don de sang entre ainsi dans le champ des autorisations d’absence, aux côtés des congés pour enfant malade ou pour obsèques.
Entre civisme et rentabilité : quand les entreprises toussent
Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. À l’Assemblée, certains groupes centristes se sont montrés sceptiques. Le député Nicolas Turquois (MoDem) a mis en garde contre un dispositif pouvant selon lui « dénaturer la symbolique désintéressée du don ». La réalité comptable refait néanmoins surface : les absences rémunérées représentent un coût direct pour les entreprises, notamment les plus petites. « L’obligation d’autorisation d’absence, si elle devient systématique, risque de désorganiser l’activité », a plaidé une partie du groupe UDI.
Face aux critiques, le gouvernement n’a pas tremblé. Le ministre délégué à la Santé, Yannick Neuder, a soutenu sans réserve l’initiative : « C’est une belle manière de faire vivre la solidarité nationale ».
Le soutien est également franc du côté de l’Établissement français du sang (EFS), confronté à une hausse continue des besoins transfusionnels et à une dépendance préoccupante envers les importations. « C’est un levier important. Les besoins des malades sont toujours en hausse », a rappelé Aude Thierry, directrice adjointe de l’EFS Occitanie. Il faut savoir que la France importe aujourd’hui près de 65% de son plasma depuis les États-Unis, pour un coût annuel de 400 millions d’euros. L’adoption de cette mesure vise aussi à restaurer la souveraineté sanitaire du pays, tout en évitant les dérives d’un modèle rémunérateur à l’américaine.
Don de sang : une révolution silencieuse du rapport au travail et à l’engagement
Sous ses airs techniques, la loi interroge aussi la place de l’engagement solidaire dans le monde professionnel. En autorisant les salariés à s'absenter une heure ou deux pour donner leur sang, l’État envoie un signal clair : le don de sang devient un droit, pas un privilège accordé au cas par cas. Certaines entreprises, déjà partenaires de collectes mobiles, voient d’un bon œil ce tournant législatif. Il faut savoir que 10% des dons sont aujourd’hui réalisés sur des sites temporaires installés dans les entreprises elles-mêmes. Une tendance que la loi entend institutionnaliser.
La balle est désormais dans le camp des sénateurs. Le texte, adopté par 125 voix contre 12 à l’Assemblée, doit être examiné par le Sénat dans les prochaines semaines. Si aucune modification majeure n’est apportée, le nouveau droit à l’absence pour don pourrait entrer en vigueur dès le second semestre 2025. Ce serait une avancée symbolique, mais surtout pratique. À l’heure où les stocks de sang flirtent régulièrement avec des seuils critiques, faire de la pause citoyenne un temps reconnu dans le droit du travail pourrait bien changer la donne.