La France, cette prétendue patrie de l’égalité, dévoile chaque année ses chiffres. Derrière l’incantation républicaine se cache une réalité bien plus triviale : les inégalités persistent, s’ancrent et se creusent. Le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités, publié le 3 juin 2025, en dresse le constat méthodique.
Inégalités en France : revenus, naissance, patrimoine… le poids accablant des chiffres
Le 3 juin 2025 à 18 h, l’Observatoire des inégalités publiait l’édition 2025 de son rapport biennal. À travers cinq volets — revenus, éducation, travail, modes de vie, territoires — le document ausculte la France et ses fractures sociales. À l’aide de données rigoureusement collectées, l’étude dévoile les mécanismes d’un pays où être riche ou pauvre ne relève ni du hasard, ni du mérite, mais de trajectoires souvent figées dès l’origine.
Inégalités de revenus : les écarts qui parlent d’eux-mêmes
Que l’on parle d’euros ou de silences politiques, les chiffres de l'Observatoire des inégalités claquent. Le niveau de vie médian s’élève à 2 028 euros mensuels. Ce seuil divise la population en deux : une moitié gagne moins, l’autre davantage. Les 10 % les plus pauvres doivent se contenter de moins de 1 080 euros, tandis que les 10 % les plus riches dépassent les 3 653 euros. Et le sommet de la pyramide, lui, tutoie les sommets : le 1 % le plus aisé gagne plus de 7 500 euros, et le millième le plus nanti atteint les 20 000 euros.
La pauvreté n’est pas marginale. Elle touche 5 millions de personnes vivant avec moins de 1 014 euros par mois, soit 8,1 % de la population. Voilà pour la ligne comptable. Mais l’essentiel est ailleurs : ces chiffres sont le fruit de hiérarchies profondément enracinées. À poste égal, les écarts de salaires peuvent être abyssaux. En équivalent temps plein, les 10 % les mieux rémunérés gagnent 2,8 fois plus que les 10 % les plus mal payés. Quant aux cadres supérieurs, ils empochent 2 600 euros de plus que les employés chaque mois. Mieux encore : cet écart explose avec l’âge, passant de 1 186 euros avant 30 ans à 3 941 euros au-delà de 60 ans.
Être né au bon endroit, au bon moment… ou pas
Les dés sont pipés dès l’enfance. L’origine sociale est le plus puissant des déterminants dans les inégalités. Selon l’Observatoire, « les adultes ayant grandi dans une famille défavorisée perçoivent en moyenne 1 000 euros de moins par mois que ceux issus d’un milieu favorisé, à caractéristiques égales ». Ce chiffre est accablant. Il dépasse largement les écarts liés au sexe ou à l’ascendance migratoire. Autrement dit, la France ne récompense pas tant le travail que le capital social. Une reproduction sociale intacte, où l’école, censée redistribuer les cartes, peine à briser le déterminisme.
Patrimoine : un gouffre béant
Si les inégalités de revenus sont préoccupantes, celles du patrimoine confinent au délire. Les 10 % les plus riches détiennent au minimum 716 000 euros. À l’autre bout de l’échelle, les 10 % les plus pauvres ne possèdent pas même 4 400 euros. L’écart ? Il est de 163 fois. L’égalité des chances n’existe tout simplement pas quand les héritages, immobiliers ou financiers, creusent le lit de l’avantage.
Et que dire du seuil de richesse, fixé à 4 056 euros par mois ? Seuil théorique, souvent invisibilisé dans le débat public, tant il dérange. Car admettre qu’on est riche, c’est reconnaître que d’autres sont maintenus dans la pauvreté.
Des pistes, des principes… et beaucoup d’atermoiements
Des solutions existent pour diminuer les inégalités citées ci-dessus, le rapport en propose : fiscalité plus progressive, meilleure redistribution, lutte contre les discriminations à l’embauche, investissement dans l’éducation. Le tout est connu. Mais, comme souvent, la volonté politique peine à dépasser les rapports parlementaires et les déclarations d’intention.
La question demeure entière : veut-on réellement corriger les inégalités, ou préfère-t-on s’accommoder de leur fatalité ? L’Observatoire rappelle que « les écarts ne sont pas inévitables, ils sont le fruit de choix collectifs ». Mais dans un pays qui élude la question de la richesse bien plus volontiers que celle de la pauvreté, l’avenir semble suspendu à une autre promesse : celle d’un sursaut.