Alors que les indicateurs sanitaires sur la mortalité infantile suscitent l’inquiétude, les politiques tentent de répondre aux signaux d’alerte par une loi.
L’Assemblée vote une loi pour sauver les bébés français

Le 15 mai 2025, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un moratoire de trois ans sur les fermetures de maternité. Cette décision intervient alors que le taux de mortalité infantile en France a atteint 4,1 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2024, contre 3,5 en 2011, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
Une suspension temporaire des fermetures pour répondre à une inquiétude croissante
La proposition de loi, portée par Paul-André Colombani (groupe Liot), a été votée à 97 voix contre 4. Elle prévoit l’interdiction des fermetures de maternité pendant trois ans, sauf en cas de menace directe sur la sécurité des patientes. Le texte avait initialement été rejeté en commission des affaires sociales, mais un amendement identique adopté en séance publique a réintroduit la disposition centrale du projet, avec l’appui implicite du gouvernement.
Outre le moratoire, la loi prévoit un état des lieux des maternités réalisant moins de 1 000 accouchements par an ainsi que la création d’un registre national des naissances destiné à centraliser des données jusqu’alors dispersées. Ces mesures visent à mieux comprendre les causes de la dégradation des indicateurs de santé des bébés en France. Pour Paul-André Colombani, cette loi cherche à enrayer « une tendance alarmante », marquant un « recul préoccupant » par rapport aux autres pays de l’Union européenne.
Maternité et accessibilité : le débat sur les distances et la sécurité
Depuis les années 1970, le nombre de maternités a fortement diminué, passant de 1 369 en 1975 à 464 aujourd’hui. Cette réorganisation territoriale des soins fait l’objet de critiques persistantes. Pour plusieurs parlementaires, l’éloignement croissant des lieux d’accouchement représente un facteur aggravant de risque. Christophe Proença (Parti socialiste) a relaté le cas d’un accouchement à domicile dans sa circonscription, faute de temps pour atteindre une structure hospitalière adaptée.
Les défenseurs du texte s’inquiètent notamment de la situation dans les zones rurales et de montagne, où les trajets peuvent dépasser une heure. Josiane Corneloup (Les Républicains) a affirmé que « le risque de décès néonatal est multiplié par deux lorsque le trajet jusqu’à la maternité dépasse 45 minutes », citant un travail journalistique publié sur le sujet. À l’inverse, Jean-François Rousset (Renaissance) a mis en garde contre les risques des maternités de faible activité, arguant que la rareté des gestes médicaux nuit à la qualité des soins.
Maternité et mortalité infantile : un indicateur sous tension
Les données de l’Insee révèlent une évolution préoccupante : environ 2 700 décès de bébés de moins d’un an ont été enregistrés en 2024. Cette hausse concerne surtout les décès survenus entre 1 et 27 jours après la naissance. En 2022, la France occupait le 23e rang sur 27 au sein de l’Union européenne pour cet indicateur de santé publique, selon l’Institut national d’études démographiques (INED).
Parmi les explications avancées : le recul de l’âge du premier enfant, la fréquence accrue des grossesses multiples et l’augmentation des maternités à risque du fait de l’âge extrême des mères. Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a qualifié cette dynamique de « complexe et multifactorielle », soulignant également l’existence de fortes inégalités territoriales et sociales. Les données officielles montrent que les femmes vivant en outre-mer, celles nées en Afrique subsaharienne ou en situation de précarité sont statistiquement plus exposées.
Maternité et politiques publiques : une série de mesures complémentaires
Dans ce contexte, le gouvernement a annoncé une révision du carnet de santé de l’enfant, effective depuis janvier 2025. Ce nouveau carnet comprend un suivi renforcé des nourrissons, 20 examens obligatoires, et l’ajout du score d’Apgar à 10 minutes. Ces changements visent à améliorer la prévention et la détection précoce des troubles néonataux. En complément, le registre national des naissances prévu dans la proposition de loi devrait permettre une analyse plus fine des données de santé.
Cependant, plusieurs experts appellent à une réflexion plus large sur la répartition des soins périnataux. Si le moratoire offre un sursis aux établissements menacés, il ne résout ni la question des ressources humaines ni celle des équipements. La mesure adoptée demeure provisoire et ne constitue pas une politique pérenne. Le débat autour de la proximité versus la spécialisation continue d’opposer les partisans d’un maillage territorial fin à ceux qui privilégient la concentration des moyens.
Maternité : entre signal politique et attente de réforme structurelle
L’adoption du moratoire marque un geste fort en faveur du maintien des maternités de proximité, mais ses effets réels dépendront des actions à venir. L’état des lieux prévu devra éclairer les décisions futures. En parallèle, les acteurs du secteur attendent des mesures structurelles sur la formation des professionnels, la gestion des risques et l’accompagnement des familles pour leurs bébés.
Alors que la mortalité infantile reste l’un des indicateurs les plus sensibles de l’état de santé d’un pays, le texte voté à l’Assemblée nationale pose les jalons d’une réflexion plus globale sur la prise en charge des naissances en France.