Loi Duplomb : pourquoi les agriculteurs sont de retour dans la rue ?

Ce lundi 26 mai 2025, des dizaines de tracteurs convergent de nouveau vers Paris. En ligne de mire : l’Assemblée nationale, où est débattue la très controversée loi Duplomb. Cette proposition législative, qui porte le nom du sénateur Laurent Duplomb (Les Républicains), est présentée comme une réponse aux « contraintes » qui pèseraient sur les agriculteurs. Mais derrière cette promesse, le texte s’est attiré une levée de boucliers aussi bien dans l’opposition politique que dans le camp des syndicats agricoles… eux-mêmes profondément divisés.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 26 mai 2025 8h05
Loi Duplomb : pourquoi les agriculteurs sont de retour dans la rue ?
Loi Duplomb : pourquoi les agriculteurs sont de retour dans la rue ? - © Economie Matin
3.500La gauche a déposé 3.500 amendements à la loi Duplomb, une démarche qualifiée d'obstruction par la majorité.

Une loi Duplomb taillée pour la FNSEA et défendue par les tracteurs

La loi Duplomb a provoqué ce 26 mai 2025 une mobilisation impressionnante : à l’appel de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et des Jeunes Agriculteurs, des cortèges de tracteurs ont bloqué des accès majeurs en France. Objectif affiché : soutenir une proposition de loi jugée « vitale » pour l’agriculture productiviste. Mais cette démonstration de force ne masque pas les fractures internes du monde agricole.

À Paris, la Confédération paysanne a dénoncé un texte qui, selon Stéphane Galais, est « mortifère pour les paysans ». Le syndicat critique une logique d’industrialisation à outrance, permise par la suppression de nombreux garde-fous environnementaux. Même la Coordination rurale, pourtant d’ordinaire peu alignée avec la Confédération, s’inquiète de certains assouplissements jugés dangereux.

Loi Duplomb : un bulldozer contre les normes environnementales

Au cœur du texte : la réintroduction d’un pesticide interdit dans l’Union européenne. L’acétamipride, insecticide néonicotinoïde accusé de ravages sur les pollinisateurs, ferait son grand retour par dérogation nationale. Ce contournement de la réglementation européenne est qualifié d’« écocide » par les ONG. Plus de 1.000 scientifiques ont signé une lettre ouverte pour dénoncer une loi qui « menace la biodiversité et la santé publique ».

Autre point de crispation : la neutralisation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), remplacée dans ses fonctions d’évaluation par un « comité d’orientation scientifique » rattaché au ministère de l’Agriculture. En somme, une reprise en main politique des décisions sanitaires.
La ministre Annie Genevard, en déplacement dans le Tarn le 21 mai 2025, a pourtant assumé son soutien plein et entier : « Je serai présente au banc pour le défendre, car je considère qu’il s’agit d’un texte d’initiative parlementaire utile aux paysans ». Elle reconnaît cependant que le texte a été « malheureusement largement modifié et raboté en commission », notamment avec la suppression de l’article sur la gestion de l’eau.

Loi Duplomb : manœuvres à l’Assemblée et guerre de tranchées parlementaire

Selon les informations de Libération, les députés de la majorité présidentielle envisageraient de recourir à une motion de rejet préalable, permettant d’évacuer les plus de 3.500 amendements déposés par la gauche. Cette stratégie visait à envoyer directement le texte en commission mixte paritaire, excluant tout débat public en séance. Le rapporteur Julien Dive (Les Républicains) a dénoncé une « stratégie d’obstruction » de la NUPES, tandis que ses adversaires l’accusent de vouloir « escamoter le débat ».

Le contenu de la loi a été préparé dès novembre 2024. Son parcours législatif, engagé en procédure accélérée, a permis une adoption au Sénat en janvier 2025, malgré les alertes de la commission du développement durable. L’Assemblée nationale, quant à elle, examine un texte déjà vidé de certains articles par les amendements, mais toujours porteur d’une logique de dérégulation massive.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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