La progression continue de la maladie de Parkinson interroge les experts sur les causes environnementales possibles. Parmi les hypothèses avancées, le rôle des pesticides fait aujourd’hui l’objet d’une attention particulière de la part des chercheurs et des autorités sanitaires.
Parkinson : la crise que la France et l’Europe refusent encore d’affronter
Le 11 avril 2025, à l’occasion de la Journée mondiale de la maladie de Parkinson, plusieurs voix du monde médical et associatif ont alerté sur la progression rapide de cette affection neurodégénérative, en France comme dans le monde. Au centre des préoccupations : le rôle des pesticides, désormais pointé comme un facteur aggravant majeur. À travers une analyse des recherches scientifiques et des témoignages recueillis, cet article revient sur les données disponibles, les populations les plus exposées, les mécanismes mis en cause et les réponses attendues des pouvoirs publics.
Une montée en puissance alarmante de la maladie de Parkinson
Selon France Parkinson, le nombre de personnes atteintes de la maladie devrait doubler à l’horizon 2050. Actuellement, 270 000 personnes sont concernées en France, avec 27 000 nouveaux cas chaque année. L’association précise qu’une personne sur cinquante pourrait être concernée au cours de sa vie. À l’échelle mondiale, les projections font état de 25 millions de cas en 2050, contre environ 10 millions aujourd’hui.
La progression rapide de la maladie a été soulignée par le neurologue Ray Dorsey, de l’Université de Rochester : « La maladie de Parkinson est la maladie du cerveau qui connaît la croissance la plus rapide au monde », déclarait-il dans un entretien. Si le vieillissement démographique joue un rôle, les chercheurs attirent l’attention sur l’environnement, et plus particulièrement sur les substances chimiques utilisées en agriculture.
Parkinson : des agriculteurs ciblés par les pesticides
Les études menées depuis une quinzaine d’années confirment un lien entre l’exposition aux pesticides et le risque de développer la maladie de Parkinson. Une publication scientifique issue de l’Inserm et de l’Université Pierre-et-Marie-Curie, parue dans les Annals of Neurology, concluait que l’exposition professionnelle aux pesticides, notamment les organochlorés comme le lindane ou le DDT, double le risque de contracter la maladie.
Les agriculteurs figurent parmi les catégories les plus exposées. Le docteur Alexis Elbaz, de l’Inserm, souligne que « la présence de vignobles augmente l’incidence locale de la maladie d’environ 10 % », dans une déclaration. La répétition des traitements phytosanitaires, l’absence de protections suffisantes et la durée d’exposition figurent parmi les facteurs aggravants. Ce constat a été renforcé par des données de terrain, notamment les observations de la Mutualité Sociale Agricole, qui a contribué à une étude longitudinale portant sur plus de 700 travailleurs agricoles.
Le danger invisible : l’effet cocktail des substances chimiques
Au-delà des effets individuels des produits chimiques, certains scientifiques alertent sur ce qu’ils nomment « l’effet cocktail ». Le Pr Bas Bloem, neurologue néerlandais, explique que « si on expose les cellules à un seul pesticide, c’est toxique à partir d’une certaine quantité. Mais quand il y a deux pesticides, alors il suffit d’une toute petite quantité pour que ce soit très toxique ».
Cette hypothèse met en lumière les limites des normes actuelles, qui évaluent la dangerosité des substances de manière isolée. Les combinaisons de molécules, même à faibles doses, pourraient produire des effets neurotoxiques accrus. Cette approche invite à repenser les protocoles d’évaluation sanitaire des produits autorisés sur le marché.
Une maladie aux effets lourds sur la santé et la vie quotidienne
La maladie de Parkinson ne se limite pas à des tremblements ou à une raideur musculaire. Elle impacte profondément la qualité de vie. Selon l’Organisation mondiale de la santé, elle entraîne en moyenne treize années de vie en bonne santé perdues. À cela s’ajoutent la lente perte d’autonomie, des troubles cognitifs progressifs et des effets psychologiques qui fragilisent les patients et leur entourage.
France Parkinson alerte également sur la progression de la maladie chez des patients plus jeunes. Marie Fuzzati, directrice de l’association, indiquait dans Le Dauphiné libéré que « environ 20 % des personnes diagnostiquées ont moins de 65 ans ». Parmi eux, Guillaume Brachet, diagnostiqué à 29 ans, évoque son parcours médical et les impacts psychologiques précoces de la maladie dans le journal régional.
Une reconnaissance encore difficile pour les malades professionnels
Depuis 2012, la maladie de Parkinson peut être reconnue comme maladie professionnelle pour les agriculteurs. Mais dans les faits, l’accès à cette reconnaissance reste complexe. Plusieurs témoignages recueillis par la Revue Médicale Suisse révèlent la réticence de certains médecins à engager leur responsabilité. « Le neurologue n’ose pas s’engager car il craint des retombées », affirme un agriculteur atteint de la maladie.
Le Mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF) et l’organisation Health and Environment Alliance (Heal) dénoncent cette situation et appellent à une réforme du système de reconnaissance et d’indemnisation. François Veillerette, président du MDRGF, déclarait : « Nous avions envie d’aller plus loin pour protéger les populations et faire avancer le dossier de la reconnaissance des droits de la victime ».
Une réponse politique en suspens
En novembre 2023, la Commission européenne a prolongé de dix ans l’autorisation du glyphosate, herbicide controversé, malgré les protestations de nombreuses associations et scientifiques. En France, plusieurs ONG, comme France Parkinson, UFC-Que Choisir, Foodwatch, ont entamé une procédure devant la justice européenne.
Sur le plan national, l’absence de stratégie dédiée depuis 2019 suscite l’inquiétude. France Parkinson regrette que « la France fuit ses responsabilités sur cet enjeu prioritaire depuis maintenant cinq ans ». Une nouvelle stratégie nationale sur les maladies neurodégénératives est annoncée pour fin 2025, mais les associations restent prudentes.
Des pistes pour agir : éducation, interdiction, protection
Face aux constats scientifiques et aux alertes des associations, plusieurs mesures sont demandées : retrait du marché des produits les plus dangereux, création de zones tampons autour des habitations, interdiction de l’usage des pesticides dans les espaces urbains. Par ailleurs, une meilleure formation des utilisateurs, des contrôles renforcés et une transparence accrue sur les produits autorisés figurent parmi les priorités identifiées.