Quelques secondes de vidéo, une musique en arrière-plan, un message répétitif et des corps très minces mis en scène. Une nouvelle tendance surgit sur TikTok, soulevant des préoccupations dans le monde éducatif et médical. Le phénomène est identifié sous le nom de « Skinny Tok ».
« Skinny Tok » : attention à cette tendance qui prône l’extrême maigreur sur TikTok

Le 8 avril 2025, plusieurs médias français ont relayé l’émergence d’une nouvelle tendance sur le réseau social TikTok, connue sous l’appellation « Skinny Tok ». Ce mouvement consiste à mettre en avant des contenus valorisant la minceur extrême. Des experts en santé publique, des établissements scolaires et des responsables politiques s’inquiètent des effets potentiellement néfastes de cette pratique, notamment sur les adolescents.
Skinny Tok : une tendance TikTok autour de la recherche de minceur
Le phénomène « Skinny Tok » repose sur la diffusion de contenus dans lesquels des utilisateurs, en particulier des jeunes femmes, exposent leur perte de poids de manière visuelle et textuelle. On y retrouve des slogans tels que « Be skinny », « There is no end » ou encore « Ne te récompense pas avec de la nourriture, tu n’es pas un chien ». Ces messages sont souvent accompagnés de hashtags comme « #ToTheBone » ou « #SkinnyTok », et visent à encourager la restriction alimentaire.
Le 10 avril 2025, Europe 1 rapportait que certaines vidéos affichaient des pertes de poids rapides et importantes, comme 10 kilos en six semaines, par la seule privation alimentaire. Ces contenus touchent une audience principalement adolescente, souvent mineure. Les commentaires laissés sous les vidéos, tels que « Je suis jalouse » ou « Je me suis regardée et j’ai pleuré », témoignent d’un impact émotionnel fort sur les spectateurs.
Une diffusion facilitée par l’algorithme et l’absence de modération stricte
Selon le psychiatre Hugo Saoudi, interrogé par Le Parisien le 8 avril 2025, cette tendance se distingue par sa présentation « healthy » et par l’usage d’un discours de motivation. Ce dernier juge cependant que ces messages sont « brutaux voire carrément dégradants », et alerte sur le risque de confusion entre santé et maigreur. L’exposition fréquente à des images de maigreur peut contribuer à développer des troubles du comportement alimentaire.
Les vidéos « Skinny Tok » sont favorisées par les mécanismes algorithmiques de TikTok. Lorsqu’un utilisateur interagit avec ce type de contenu, la plateforme lui en propose davantage, créant une boucle de diffusion continue. Comme le souligne Hugo Saoudi, certains utilisateurs tentent même de manipuler l’algorithme en postant des commentaires tels que « Je commente pour rester sur Skinny Tok ».
Le 12 avril 2025, CNEWS indiquait que plusieurs établissements scolaires avaient alerté les parents sur la circulation de cette tendance parmi les élèves. Les équipes pédagogiques observent des signes de comportements restrictifs ou de culpabilité alimentaire chez certains jeunes, en particulier à l’approche des vacances scolaires.
Santé publique et adolescence : un contexte de vulnérabilité
Selon une publication de Santé Publique France mise à jour en octobre 2019, environ une adolescente sur quatre et un adolescent sur cinq présenteraient des formes atténuées de troubles du comportement alimentaire (TCA). Ces troubles, parmi lesquels figurent l’anorexie et la boulimie, apparaissent généralement entre 14 et 18 ans. Seule la moitié des personnes concernées bénéficient d’un suivi médical, alors que le taux de mortalité à long terme de l’anorexie mentale est estimé à 5 %.
La diététicienne Laura Albaladejo, interrogée par Europe 1, souligne les risques du Skinny Tok : « Ce sont des gens qui parlent de nutrition sans en connaître la matière, ni les conséquences ». Elle évoque notamment les dangers liés aux carences nutritionnelles, aux dérèglements métaboliques et au développement de troubles alimentaires chroniques.
Des mesures insuffisantes de la part des plateformes
Face à ces contenus, les réponses apportées par TikTok sont jugées limitées. La Voix du Nord rapporte, le 13 avril 2025, que la plateforme redirige vers une page informative dédiée aux TCA (troubles du comportement alimentaire), mais n’interdit pas l’usage des hashtags associés à cette tendance. Aucune mesure concrète de modération n’est actuellement imposée pour restreindre ou filtrer ces publications.
Vanessa Matz, ministre belge du Numérique, qualifie le phénomène de « risque systémique en matière de santé publique ». Elle appelle les pouvoirs publics à renforcer les dispositifs de surveillance et à étudier la possibilité d’une régulation plus stricte des contenus liés à la santé sur les plateformes numériques.
En France, si la loi Santé de 2015 encadre l’utilisation de mannequins trop maigres dans l’industrie de la mode, elle ne s’applique pas aux contenus générés sur les réseaux sociaux. Cela laisse un vide juridique important dans lequel des tendances comme « Skinny Tok » peuvent se développer sans encadrement.
Un enjeu éducatif et sanitaire face au Skinny Tok
Le phénomène « Skinny Tok » soulève des questions quant à la responsabilité des plateformes sociales, mais aussi quant au rôle des institutions éducatives et sanitaires. La prévention des TCA repose notamment sur une éducation à la santé dès le plus jeune âge, un encadrement parental vigilant, et un accès facilité à des professionnels de santé mentale.
En parallèle, des initiatives pédagogiques émergent localement, avec des interventions en milieu scolaire pour sensibiliser les jeunes aux dangers de l’auto-privation et des modèles corporels irréalistes. Ces démarches restent cependant dispersées, faute de stratégie nationale coordonnée.