Taxes en trop : ce que la Cour des comptes veut vraiment supprimer

Entre balais fiscaux et taxes oubliées, la Cour des comptes a sorti le plumeau. Dans une opération de grand ménage budgétaire, elle vise le cœur de l’usine à gaz fiscale française : les taxes à faible rendement, celles qui, telles un caillou dans votre chaussure, ne vous empêchent pas de marcher mais vous agacent prodigieusement.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 18 avril 2025 9h39
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Taxes en trop : ce que la Cour des comptes veut vraiment supprimer - © Economie Matin

Le 17 avril 2025, la Cour des comptes a rendu public un rapport sur les taxes à faible rendement, fruit d’une saisine citoyenne. Derrière ce terme technique se cache une réalité kafkaïenne : 243 prélèvements fiscaux qui rapportent chacun moins de 175 millions d’euros, mais qui s’accumulent pour générer une complexité redoutable. Dans un contexte budgétaire tendu, la suppression de ces taxes, qui ne pèsent guère dans la balance de l’État, est présentée comme une réforme de bon sens. À condition, bien sûr, de comprendre ce qu’elles sont, à quoi elles servent – ou ne servent plus – et surtout, pourquoi leur maintien serait devenu un non-sens économique.

Un inventaire à la Prévert : 243 taxes pour à peine 6 milliards d’euros

Commençons par les chiffres. En 2024, ces 243 taxes dites "à faible rendement" ont généré 5,98 milliards d’euros, soit moins de 0,5 % des 1 250 milliards d’euros de prélèvements obligatoires. Un grain de sable dans l'engrenage fiscal, comparé aux 303 milliards d’euros de cotisations sociales, aux 210 milliards d’euros de TVA ou aux 88 milliards d’euros d’impôt sur le revenu.

Et pourtant, ces micro-taxes pullulent. Certaines sont presque folkloriques : taxe sur les eaux minérales, redevance hydraulique, taxe sur les jeux de casino, contribution pour les véhicules immatriculés dans certaines professions... La plupart sont méconnues, complexes à collecter, et inutiles à expliquer.

La Cour des comptes ne mâche pas ses mots : elle évoque un « patchwork fiscal », dont la « pertinence est discutable » et qui impose « des opérations au coût difficilement chiffrable à des milliers de collecteurs ».

Une fiscalité désuète qui étouffe les entreprises

Au cœur du problème, une structure fiscale anachronique, où 117 de ces taxes n’ont même pas de rendement connu ou estimé. En clair ? On ne sait pas ce qu’elles rapportent, mais on continue de les prélever, avec un zèle administratif qui confine à l’absurde.

Pire encore : ces taxes concernent “davantage les entreprises que les particuliers, dans un rapport quasi du simple au double”, souligne la Cour. Elles sont principalement assises sur la production et la consommation, et non sur les revenus. Résultat : un fardeau administratif écrasant pour les PME et TPE, qui doivent s’adapter à une multiplicité de dispositifs incohérents, souvent injustifiés économiquement.

Leur gestion mobilise inutilement des ressources, en particulier dans les départements financiers, comptables ou juridiques des entreprises. C’est du temps perdu, de la trésorerie mobilisée pour rien, et parfois même des risques juridiques mal anticipés.

Trois vagues pour faire sauter les digues de l’inefficacité

La Cour des comptes ne se contente pas de dénoncer. Elle propose une feuille de route en trois temps :

  1. 44 taxes identifiées comme “fragiles ou problématiques” à supprimer dès le Projet de Loi de Finances 2026. Parmi elles, la taxe sur les “prémix”, la contribution annuelle sur les revenus locatifs, ou encore celle applicable aux maisons de jeux.

  2. 30 autres taxes réexaminées d’ici 2027, notamment dans les secteurs de la pharmacie, de la formation professionnelle, du contrôle sanitaire des aliments ou du financement local. Le mot d’ordre ? Suppression, fusion, ou adossement à des dispositifs plus lisibles.

  3. Enfin, une rationalisation systématique inscrite dans la prochaine loi de programmation des finances publiques, visant 99 taxes supplémentaires. L’objectif : “simplifier le paysage fiscal national et améliorer la lisibilité et l’efficacité de la norme fiscale, sans perte de recettes significative”, selon le rapport.

Une promesse de simplification... et un espoir pour les petites entreprises

Derrière cette réforme potentielle, se dessine un allégement réel pour les entreprises, notamment les petites structures. Moins de taxes, c’est :

  • Moins de formulaires à remplir.

  • Moins de temps passé en gestion administrative.

  • Moins de risques d’erreurs et de pénalités fiscales.

En clair, plus de temps pour produire, innover, embaucher, ou tout simplement respirer. Et pour les consommateurs ? Si la pression sur les coûts baisse, certains prix pourraient s’ajuster. Une conséquence bienvenue alors que certains frais de santé pourraient bientôt augmenter. La mécanique n’est pas automatique, mais la suppression de taxes inopérantes permet de réorienter les marges vers des usages productifs. À l’heure où le gouvernement cherche 40 milliards d’euros d’économies, et où son budget pourrait être retoqué par la Cour des Comptes, cette réforme permet de faire un geste visible, sans entamer le rendement global de l’impôt.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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