Le gouvernement a lancé une nouvelle approche budgétaire pour la Sécurité sociale. Entre réunions stratégiques et propositions ciblées, les pistes envisagées interrogent sur leur portée et leur faisabilité. Le retour à l’équilibre des comptes est affiché comme une priorité.
Budget 2025 : le gouvernement retarde la revalorisation des retraites pour redresser la Sécurité sociale

Le 3 juin 2025, la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS) s’est réunie à Bercy. Une réunion qui, cette année, a pris un ton radicalement différent : le gouvernement entend, pour la première fois, embarquer tous les acteurs dans une réflexion collective pour redresser les finances sociales. Avec un déficit qui tutoie les 22,1 milliards d’euros en 2025 et pourrait atteindre 24,8 milliards en 2029, la Sécurité sociale fait face à une crise budgétaire sans précédent. Le mot d’ordre est désormais clair : retour à l’équilibre avant 2029, ou rupture du modèle.
Réinventer la gouvernance : le gouvernement se mobilise pour sauver la Sécurité sociale
Fini les diagnostics stériles, place à l'action collective. Le gouvernement a demandé à la CCSS de ne pas se contenter, comme chaque année, de dresser le constat des déficits. Il s’agit désormais de « réfléchir collectivement aux leviers de redressement », selon les termes utilisés par Matignon. Un « exercice de transparence » salué par la rapporteure générale du budget au Sénat, Élisabeth Doineau, qui affirme : « Il y a une vraie volonté de nous associer à la réflexion. On sait très bien que la construction du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) sera compliquée ».
Trois tables rondes ont rythmé la rencontre : financement de la protection sociale, efficience du système de santé, équilibre intergénérationnel. En d’autres termes, le gouvernement n’épargne aucun tabou. François Bayrou lui-même n’a pas exclu de « reprendre totalement la question du financement de notre modèle social ».
Des chiffres qui fâchent : la Sécurité sociale dans la tourmente budgétaire
Le déficit de la Sécurité sociale s’est établi à 22,1 milliards d’euros pour l’année 2025, un creusement alimenté par une croissance poussive (0,7 % prévue), une inflation stabilisée et des recettes en berne. Pire encore, si rien n’est fait, le déficit atteindrait 24,8 milliards d’euros en 2029. Selon la Cour des comptes, cela entraînerait une « crise de liquidité » inédite : la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) est déjà à saturation, et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) pourrait, elle aussi, ne plus pouvoir se financer sur les marchés.
Dans ce contexte, le gouvernement a fixé un objectif de retour à l’équilibre avant 2029.
Assurance maladie, retraites, médicaments : les pistes du gouvernement pour redresser les comptes de la Sécurité sociale
Premier axe : l’assurance maladie, responsable de 90 % du déficit actuel, selon la Cour des comptes. « Les efforts sont à faire au niveau de l’assurance maladie », martèle Élisabeth Doineau, qui appelle à des mesures d’efficience, de prévention, et à la lutte contre les actes redondants (Public Sénat, 3 juin 2025).
Deuxième levier : la révision du périmètre des affections de longue durée (ALD). Le ministre de la Santé envisage une suspension temporaire du statut ALD pour les patients en rémission, avec réactivation en cas de rechute. Une économie structurelle, certes, mais à forte charge symbolique.
Troisième mesure envisagée : le déremboursement des médicaments à faible service médical rendu (SMR), actuellement remboursés à 15 %. Objectif : concentrer l’effort public sur les traitements les plus efficaces. Enfin, la revalorisation des retraites, initialement prévue pour janvier 2025, serait reportée à juillet, générant à elle seule 4 milliards d’euros d’économies.
Entre scepticisme et devoir de vérité : un chantier à haut risque pour les Français
La sénatrice Doineau ne mâche pas ses mots : « Il est utopique de dire 18 milliards. Il faut un véritable plan de retour à l’équilibre. Peut-être qu’il sera plus long, mais il sera plus réaliste » (Public Sénat, 3 juin 2025). Ce montant, 18 milliards d’euros d’économies en 2025, a été évoqué devant les sénateurs sans plus de détails. Autant dire que le scepticisme domine au palais du Luxembourg.
La Cour des comptes, de son côté, appelle à sortir des lignes rouges idéologiques. Car, selon elle, « nous ne sommes ni en crise financière, ni en crise sanitaire ». En clair : le statu quo est devenu indéfendable. Même François Bayrou le reconnaît à demi-mot : « rien n’est écarté », pas même une « TVA sociale » qui pourrait relancer un vieux débat enterré depuis 2012.