Emplois en or, candidats absents : le grand paradoxe

Chaque printemps, c’est le même rituel : CV relustrés, mails d’accroche calibrés, profils LinkedIn polis au millimètre. Pourtant, sous cette surface bien huilée, une angoisse monte, une certitude vacille : décrocher un premier emploi n’a rien d’une évidence.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 21 mai 2025 12h06
emploi, chefs d’entreprise dépots de bilan
Emplois en or, candidats absents : le grand paradoxe - © Economie Matin
60 000La France a besoin de 60 000 ingénieurs par an, mais n’en forme que 40 000.

Le 20 mai 2025, la plateforme JobTeaser a publié une étude édifiante sur l’état du marché du travail pour les jeunes diplômés en France. Alors que le mot « emploi » résonne comme un Graal pour bon nombre d’entre eux, l’analyse révèle un paradoxe saisissant : les entreprises peinent à recruter, tandis que les jeunes, eux, désespèrent de se faire embaucher. Ce constat, loin d’être anecdotique, met en lumière une fracture structurelle entre aspirations individuelles et réalités économiques.

Recrutement : l’emploi s’offre, les jeunes boudent

À en croire JobTeaser, les entreprises n’ont jamais autant proposé de postes aux jeunes diplômés. Pourtant, les candidatures manquent à l’appel. Sur plus de 4 millions de candidatures analysées, les secteurs qui recrutent massivement – comme la vente, la maintenance, l’informatique ou l’environnement – peinent à attirer.

Prenons un exemple : dans l’ingénierie, sept des dix métiers les plus en tension sont liés à ce domaine. La France a besoin de 60 000 ingénieurs par an, mais n’en forme que 40 000. Résultat : un déficit chronique qui pourrait atteindre 54 000 talents d’ici 2030. Et ce n’est pas faute de places disponibles.

Même topo pour la vente. Bien que considérée comme une porte d’entrée classique dans la vie professionnelle, elle affiche un indice de tension de 72, signifiant un déficit de 28 % par rapport aux candidatures attendues. À croire que les jeunes diplômés fuient ce qu’ils pourraient pourtant conquérir.

Les jeunes, un atout à double tranchant pour les entreprises

Pourquoi ces métiers – pourtant accessibles, formateurs et riches en débouchés – sont-ils si peu convoités ? Parce qu’ils manquent de panache ? De prestige ? De sens ? Peut-être un peu de tout cela à la fois. Dans l’étude menée avec l’EDHEC NewGen Talent Centre, JobTeaser souligne que les jeunes considèrent leur premier poste comme une simple étape de 18 mois, pas plus. Une initiation, pas une vocation.

De quoi refroidir nombre d'entreprises qui cherchent quelqu'un de fiable. Si les jeunes apportent un dynamisme, une adaptabilité, un regard nouveau, ils doivent aussi être formés aux impératifs du monde de l'entreprise. Cette formation a un coût humain, parfois un coût financier. Si les jeunes s'en vont au bout de moins de deux ans, le retour sur investissement est trop faible... et les jeunes restent sur le carreau.

Emploi et désamour : les métiers boudés, le malaise persiste

Les métiers de la qualité et de la maintenance, par exemple, affichent un déficit de 48 % de candidatures. L’environnement, en pleine explosion avec +270 % d’offres depuis 2022, reste pourtant relégué au 19ᵉ rang des métiers plébiscités. Pourquoi ? Parce que les salaires sont peu compétitifs. Or, bien que les jeunes d'aujourd'hui soient plus sensibilisés à l'écologie que leur aîné, ce n'est pas l'idéal qui remplit les marmites.

Et il y a pire. L’écart se creuse avec des secteurs en manque criant de diversité : 15 % de femmes seulement dans la programmation informatique, 20 % d’hommes dans les RH. L’image poussiéreuse, les clichés de genre, la méconnaissance des débouchés alimentent une spirale d’exclusion.

Repenser l'emploi : comment inverser la tendance du recrutement

Les employeurs ne sont pas démunis. Sourcing actif dans les écoles, revalorisation salariale, transparence sur les carrières, participation accrue aux forums étudiants. Une révolution culturelle s’impose.

Et du côté des jeunes ? Leur quête de sens, de flexibilité, d’un cadre bienveillant, d’une équipe soudée, d’un équilibre de vie, n’est pas incompatible avec les métiers dits « ordinaires ». Encore faut-il qu'ils en aient conscience, et s'intéressent à des métiers qui, moins reluisants, moins rémunérateurs, moins connus, n'en ont pas moins un vrai avantage : les places sont nombreuses.

À horizon 2030, la Dares prévoit plus de 800 000 postes à pourvoir chaque année. Les fonctions commerciales, techniques et informatiques y figureront en tête. Encore faut-il que les jeunes sachent qu’ils y ont leur place. Car s’ils attendent que l’emploi les séduise, peut-être faut-il, enfin, qu'ils écoutent l'emploi et ses évolutions.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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