Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à examiner une nouvelle législation sur la fin de vie, la question de l’aide à mourir refait surface avec force, notamment du côté de l’Académie nationale de médecine. Ce débat, sensible et complexe, relance les interrogations sur les pratiques d’euthanasie et de suicide assisté en France.
Fin de vie : l’Académie de médecine met en garde contre les ambiguïtés de la loi
Le 6 mai 2025, l'Académie nationale de médecine a publié un communiqué officiel à propos de la proposition de loi n°1100 relative à la fin de vie, qui doit être débattue à l'Assemblée nationale. Le texte prévoit un cadre légal autour de l'aide à mourir, mais selon l’Académie, certaines formulations mériteraient d’être revues, tant sur le plan terminologique qu’éthique.
L'Académie nationale de médecine alerte sur les ambiguïtés du texte
Dans son communiqué, l'Académie nationale de médecine souligne que la proposition de loi introduit une confusion entre deux modalités distinctes : l’euthanasie et le suicide assisté, toutes deux désignées dans le texte par l'expression « aide à mourir ». Cette absence de distinction est jugée problématique dans la mesure où, selon l’Académie, « vis-à-vis des soignants, des patients et des familles, l'assistance au suicide et l'euthanasie n'ont pas la même portée et doivent être distinguées l'une de l'autre ».
L’institution rappelle sa position, formulée dès le 27 juin 2023 dans son avis n°23-17, consistant à écarter l’euthanasie, notamment en raison de sa « forte portée morale et symbolique », mais aussi car de nombreux professionnels et acteurs du secteur palliatif y sont défavorables.
Des conditions strictes autour du suicide assisté
Le texte législatif prévoit que le suicide assisté soit accessible sous conditions précises : la personne concernée doit être majeure, apte à exprimer sa volonté de façon libre et éclairée, et souffrir d’une pathologie grave, incurable, en phase avancée ou terminale, provoquant une souffrance jugée insupportable.
Dans cette perspective, l’Académie nationale de médecine insiste sur la nécessité d’un encadrement rigoureux : elle recommande une évaluation « réactive et répétée, rigoureuse, collégiale, multi-professionnelle », initiée après la demande expresse d’un patient bénéficiant de soins palliatifs. Elle précise par ailleurs que certaines situations doivent être exclues du champ de l’indication à l’assistance au suicide, notamment « les troubles psychologiques, l’état dépressif, le grand âge avec troubles cognitifs avérés, les maladies et handicaps avec altération de la capacité de jugement ».
L’Académie note également qu’un tiers des patients auxquels un produit létal est prescrit dans ce contexte ne vont pas jusqu’à l’utiliser, ce qui selon elle démontre que le suicide assisté « respecte jusqu’au terme l’hésitation et l’incertitude du choix ultime ».
Soins palliatifs : un pilier encore trop fragile
Parallèlement à son positionnement sur l’aide à mourir, l’Académie insiste sur l’importance de développer les soins palliatifs. Elle rappelle que nombre de patients ne bénéficient toujours pas d’un accompagnement adapté et que le maillage territorial reste inégal. Cette priorité, selon elle, doit précéder toute ouverture à des pratiques comme le suicide assisté.
Elle appelle ainsi à un effort renforcé des pouvoirs publics en matière de financement, de formation des professionnels, et de sensibilisation des patients et de leurs familles aux dispositifs existants.
Un cadre législatif à préciser et débattre
Le projet de loi n°1100, déposé à l’Assemblée nationale le 11 mars 2025, prévoit dans ses articles un dispositif progressif encadrant la demande d’aide à mourir, les conditions d’accès, la procédure collégiale, une clause de conscience pour les professionnels de santé, et un dispositif de contrôle. Si ces éléments structurent l’architecture du texte, leur mise en œuvre opérationnelle reste à clarifier, notamment pour éviter les interprétations divergentes sur le terrain.
L’Académie de médecine ne s’oppose pas à la législation en tant que telle, mais appelle à des modifications substantielles, afin d’éviter une confusion conceptuelle et d’en garantir l’éthique. Elle réclame un débat « éclairé et rigoureux », associant l’ensemble des parties prenantes et mettant en avant la protection des personnes vulnérables.