Scandale Levothyrox : Merck accusé et l’ANSM toujours sous enquête

Le médicament Levothyrox, une réforme, des milliers de malades… et un procès contre Merck qui s’annonce comme l’un des plus scrutés de l’histoire sanitaire française.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 9 mai 2025 10h55
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31 000Environ 31 000 signalements ont été enregistrés entre mars 2017 et avril 2018.

Le 7 mai 2025, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé les mises en examen de la filiale française du laboratoire allemand Merck et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), dans le cadre du dossier Levothyrox. Ce médicament prescrit à 2,5 millions de patients atteints de troubles thyroïdiens a fait l’objet d’une réforme de formule en 2017, qui a provoqué une vive controverse en France.

Levothyrox : un changement de formule au cœur des accusations

L’affaire repose sur la modification des excipients du Levothyrox intervenue en mars 2017. Si le principe actif, la lévothyroxine, n’a pas changé, la nouvelle composition a entraîné de nombreux effets indésirables signalés par les patients : fatigue, vertiges, maux de tête, insomnies, troubles de la concentration. Environ 31 000 signalements ont été enregistrés entre mars 2017 et avril 2018.

Les autorités judiciaires ne remettent pas en cause la qualité pharmaceutique du médicament, mais s’interrogent sur les conditions dans lesquelles le changement de formule a été communiqué aux professionnels de santé et aux patients. La cour d’appel a validé les mises en examen de Merck Serono, Merck Santé et de l’ANSM, rejetant les requêtes en annulation. Le parquet général avait demandé leur maintien, et la chambre de l’instruction a suivi cette position.

Merck est poursuivi pour tromperie aggravée, tandis que l’ANSM l’est pour tromperie simple. Cette distinction reflète une gradation dans la gravité perçue des manquements, bien que tous deux concernent le défaut d’information autour de la nouvelle formule.

Vers un procès pénal dans l’affaire Levothyrox

À ce stade, l’instruction judiciaire ouverte à Marseille en mars 2018 se poursuit. Aucune date d’audience n’a encore été arrêtée, mais la voie semble désormais dégagée pour une ouverture de procès dans les mois à venir. Plusieurs associations de patients attendent cette échéance avec impatience, estimant que leur parole a été longtemps ignorée.

Selon France 3 Occitanie, certaines victimes ont déclaré : « On a servi de cobayes », exprimant leur soulagement de voir la procédure judiciaire progresser. La confirmation en appel est perçue comme une étape importante dans la reconnaissance de leurs souffrances.

La position de Merck et de l’ANSM

Merck a immédiatement annoncé son intention de se pourvoir en cassation. Dans un communiqué transmis à l’AFP, le laboratoire indique : « Nous regrettons cette décision et maintenons fermement que Merck n’a commis aucune infraction. » L’entreprise insiste sur le fait qu’elle a respecté les directives données par les autorités sanitaires au moment du lancement de la nouvelle formule.

L’avocat de Merck, Me Mario Stasi, a précisé auprès de l’AFP : « Il ne s’agit nullement de la qualité du médicament mais de la communication faite par le laboratoire au moment du lancement de cette nouvelle formule. Nous n’avons fait que suivre les recommandations et les prescriptions de l’ANSM. »

L’agence, pour sa part, n’a pas encore réagi publiquement à la décision de la cour d’appel. Depuis 2017, elle avait maintenu que la modification des excipients répondait à une exigence de stabilité du produit et avait été validée scientifiquement.

Un dossier emblématique de la régulation sanitaire

Au-delà de la seule question de la responsabilité pénale, l’affaire Levothyrox soulève des interrogations plus larges sur la manière dont les médicaments sont réformulés, évalués et introduits sur le marché. La communication auprès des patients reste un point de tension majeur, en particulier lorsque les effets secondaires sont nombreux et mal anticipés.

Face aux protestations, le gouvernement avait autorisé l’importation temporaire de l’ancienne formule sous le nom d’Euthyrox, une mesure prolongée jusqu’en 2025, ce qui démontre la persistance du problème. Des travaux scientifiques contradictoires, notamment ceux du CNRS, ont également contribué à entretenir les débats.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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